Tuesday, September 16, 2008

Le souci de l’autre prévaut-il à la pratique de l’I.A.D. (I)

Introduction
Les courants d’inspiration féministe partagent avec l’éthique narrative et l’éthique du souci de l’autre une attitude critique à l’égard de l’interventionisme biomédical scientifi- quement fondé et technologiquement armé. La bioéthique féminine invite à raconter l’histoire de la biomédecine contemporaine du point de vue des femmes qui diffère du récit officiel dominant qui est celui des hommes inventeurs et acteurs du progrès technoscientifique. Elle porte une attention critique spéciale aux P.M.A. (procréation médicalement assistée) qui serviraient davantage les intérêts de recherche masculins que la cause des femmes dont le corps est objectivisé et opéré.
La bioéthique féminine ou bioéthique féministe se divise autour de la question de l’ethique du souci de l’autre ou de la sollicitude ou encore du soin (ou des soins : care ethics) ou enfin la compassion, l’écoute, l’empathie.....
La bioéthique animale enseigne qu’il ne faut pas considérer l’animal comme une bête au sens strict du mot, c’est-à-dire un être vivant qui ne refléchit pas, mais à se poser la question de savoir s’il ressent la douleur ; ainsi, dans la théorie du souci de l’autre, il est question de se mettre à la place de la femme dont le corps souffre suite aux recherches technoscientifiques en général, et la pratique de l’I.A.D. en particulier.
En effet, de tous les temps et de toutes les cultures, la femme, malgré son rôle on ne peut plus important qu’elle occupe dans la société, a toujours été considérée comme un être humain secondaire, ou tout simplement, une personne sans personnalité. Pour le cas de l’Afrique, à la racine de cette déconsidération, il y a bien sûr les us et coutumes, les lois modernes et le christianisme qui font de l’homme le Maître de la femme. Pourtant le christianisme se passe pour une religion civilisatrice, mais son idéologie a pu maintenir jusqu’à aujourd’hui l’exclusion formelle, statutaire, des femmes de sa structure hiérarchique (de la prêtrise à la papauté). La justification de cette exclusion est théologique, elle s’appuie sur un "ordre de la création" : la femme est non seulement un " être de chair " en négatif (une personne du sexe, donc du péché), mais elle est aussi un " être de chair " en positif, c’est-à-dire une mère. Les femmes sont assimilées à des êtres particuliers, ou égales aux enfants. Quoiqu’une femme fut " Mère de Dieu ", mais les hommes ne manquent pas de s’en moquer en disant: " sois mère et tais-toi ". A la Mère mystique pleine de grâce, se substitue le couple " épouse-maîtresse de maison ou maîtresse tout court ". Tout ce qui intéresse l’homme c’est l’aspect extérieur de la femme, car il est le fondement de la séduction et de l’attirance ; au " sois mère et tais-toi " s’ajoute " sois belle et tais-toi ".
La femme est vue une fois encore soit comme un être de chair frivole (la maîtresse), soit comme un animal domestique promis à l’apprentissage du rôle de mère et de maîtresse de maison, mais dans les deux cas cantonnée par ses dons au " domestique " , incapable de s’intéresser au social. Au fond, la femme est un enfant trop naïve ou femme trop perverse, ou, au mieux (après dressage) femelle trop attachée à ses petits et à son " intérieur " , pour s’occuper à la " chose publique ", la République. Voilà pourquoi elle sera longtemps exclue du droit de vote, car pour l’homme, la femme souffre d’un manque d’universalité, alors que la différence avec l’homme est sa capacité à s’intéresser à l’Universel, et aux affaires du monde.
Pendant longtemps, la femme a toujours cru en cette opinion masculine, à telle enseigne qu’elle en est devenue aliénée. Réifié par l’homme, la femme est soumise à un statut social et à des conditions de vie qu’elle ne peut modifier sans bouleverser l’ensemble de l’ordre social.
Mais qu’est-ce qui fait qu’elle en arriva à se croire personne mais pas à part entière ? Ci-dessous, nous allons présenter quelques aspects qui ont fait que la femme se sente dans la chair d’une personne sans personnalité. Trois élements ont retenu notre attention : le problème de hiérarchisation entre les sexes, de préférence dans les sexes et des exactions corporelles infligées à la femme.
1. La hiérarchisation entre les sexes
L’origine de l’homme est expliquée par deux domaines disticts qui donnent deux versions complètement opposées ; il s’agit de la science qui soutient le phénomène de l’évolution, et la religion qui implique Dieu dans la création. Les évolutionnistes, dont Charles DARWIN en tête, soutiennent que l’homme est le fruit de l’évolution ; c’est-à-dire, c’est un animal qui a connu un développement physique et psychique. Seulement, la science ne nous dit rien sur l’origine des sexes.
A ce sujet, la religion se distingue très nettement de la science ; en effet, la Bible consacre ses premières pages à l’histoire de la création. Dans le livre de Génèse[1], il est écrit qu’ayant créé l’homme, Dieu dit qu’il n’était pas bon que l’homme soit seul ; ainsi le fit-il tomber dans un profond sommeil, puis prit une de ses côtes et en fit une femme.
Si ceci paraît comme une mythologie pour les non-croyants, ou une vérité vraie pour les croyants, nous, on se limite à la déduction selon laquelle l’homme, ayant perdu une de ses côtes dont Dieu se servit pour créer la femme, se passe pour un ensemble dont la femme est un élement, comme cela se démontre en mathématique. Ainsi, l’élement appartient à l’ensemble, et jamais le contraire. Dieu a donc voulu que la vie d’un couple se fonde d’abord et surtout sur la hiérarchisation, et non l’égalité. C’est pourquoi la femme occidentale perd son nom d’enfance, pour porter le nom de son mari ; mais le contraire ne s’applique jamais.
Un autre fait sur la notion de sexe fort et sexe faible attire notre attention : ce sont les règles grammaticales au sujet du genre en usage dans plusieurs langues ; ici, nous nous limiterons à ne parler que du français et du chinois. En effet, la langue française est très rigoureuse en matière d’accord en nombres et en genres. En ce qui concerne les genres masculins et féminins, il faut retenir que lorsqu’il s’agit d’un groupe composé d’hommes et de femmes, l’accord se fait au masculin même si dans le groupe il n’y a qu’un seul petit garçon face à des millions de femmes. Il en est de même en chinois ; la troisième personne du pluriel indiquent 他们 pour les masculins et 她们 pour les féminins ; mais en cas de groupe de personnes à sexes opposés, le 他们 l’emporte. Ces deux langues sont vieilles comme l’humanité. Cette grammaire ainsi stipulée démontre que la hiérarchie entre les sexes ne date pas d’aujourd’hui, et malgré toutes les luttes visant à promouvoir les conditions des femmes, on ne doit pas s’attendre à très bientôt la revision de ces règles grammaticales qui ne tiennent pas comptent du nombre de personnes, mais plutôt de leurs sexes. Faut-il ajouter que dans la Bible, lorsque l’on dénombrait les personnes devant lesquelles Jésus avait operé un miracle, on se limitait à compter les hommes, les femmes et les enfants étant pris en vrac[2].
En ce qui concerne l’ordre de préséance en famille, lorsqu’on demande à quelqu’un combien de gens sont-ils dans leur famille, la réponse est claire : mon père, ma mère et moi. Dans toutes les langues et de toutes les cultures, cet ordre ne s’inverse jamais. On n’entendra jamais quelqu’un qui présente sa famille en commençant par sa mère ou par lui-même. Cette manière de dire est faite très naturellement sans chercher à penser pourquoi cette hiérarchie est ainsi libélée. Comme pour dire que de tous les temps et de par toutes les cultures, l’homme est le détenteur du sexe fort, qui le place en tête dans la hiérarchie vis-à-vis de la femme ; ainsi toutes les institutions sociales qui regissent la vie matrimoniale l’ont consacré Chef de ménage. (à suivre....)
[1] Gen 1 :26 ;2 :7,18,21-23
[2] Mathieu 5, 21

Dr. Désiré-Salomon MWENDANGA MUSENGO, Anthropologue (CIBAF)