Wednesday, October 1, 2008

Le souci de l’autre prévaut-il à la pratique de l’I.A.D. (II)

2. La préférence dans les sexes

Les naissances des garçons ont toujours été accueillies avec plus de joie, partout dans le monde. Dans tous les sytèmes patrilinéaires ou matrilinéaires, l’enfant de sexe male représente une fièrte familiale, car il sert de continuité de la généalogie familiale, et de la survie du clan ; ainsi en Afrique, par exemple, une femme tant qu’elle n’a pas encore donné naissance d’un garçon, elle se sent en insécurité sociale, car pour le mari et toute sa famille, l’enfant le plus désiré n’est pas encore né. Les Africains traditionnels, ne comprenant pas la science, attribuent le mauvais choix du sexe à la femme, portant c’est l’homme qui détermine les sexes des enfants. La recherche d’enfant de sexe mâle est souvent l’une des raisons d’être de la polygamie.
La Chine applique depuis quelques décennies la politique de planning familial, soit un enfant par couple (famille) ; dans ce pays, l’avortement y est aussi autorisé. Il est cependant demandé aux médecins-gynécologues de garder secret le sexe de l’enfant à naître pour éviter que les parents ne sollicitent l’avortement en cas d’enfant de sexe féminin.
Le fait qu’un nombre croissant d’hôpitaux refusent désormais de révéler le sexe du bébé constitue une indication sérieuse que la pratique discriminatoire des avortements en fonction du sexe existe bien. Le test de l'ADN donc inévitablement conduit à un accroissement des avortements dans certaines communautés où les enfants sont considérés comme des marchandises et où la pression est déjà forte chez les femmes pour avorter si leur bébé est du "mauvais sexe".
Selon une enquête publiée récemment par le journal médical britannique The Lancet, au moins 10 millions de foetus féminins ont été avortés ces vingt dernières années en Inde où les filles, qui ne peuvent perpétuer le nom de famille et doivent recevoir une dot pour pouvoir se marier, sont considérées comme « problématiques ». Or cette discrimination semble aussi toucher la communauté indienne en Grande-Bretagne (1,08 million d’individus, 2,33 millions avec les Pakistanais, les Sri Lankais et les Bangladais).
Selon certaines associations médicales, un nombre non négligeable de femmes ayant découvert que leur bébé est une fille se rendent en Inde pour se faire avorter si elles ne peuvent obtenir une interruption volontaire de grossesse en Grande-Bretagne, parce que les listes d’attente sont trop longues dans le public et que la procédure dans le privé coûte trop cher ou parce que leur médecin leur refuse l’opération dans le cas d’avortements à répétition.
On le sait, l’Inde et à la Chine pratiquent l’avortement sexué à grande échelle, et près de 100 millions de filles ne sont pas nées du fait de cette pratique
Chez les Bassa du Cameroun, une fille à sa naissance n’a pas de nom, car elle ne représente rien pour sa famille. Les Bashi de la République Démocratique du Congo par contre ne voient en la fille qu’une source d’enrichissement ; chez eux, la vache représente leur richesse principale ; or c’est grâce à la fille que le nombre de vaches accroît dans une famille. Ainsi, on lui donne à la naissance non seulement des noms-marketing par lesquels on vante sa beauté , par exemple NABUCI (miel), NAMWEZI (lune), NAKINJA (beauté), mais aussi des noms-économiques, comme NNANKAFU (détentrice de vaches), NAZILERHE (porteuse de vaches),... Au délà de cet aspect matériel, les Bashi ne trouvent en l’enfant de sexe féminin aucune autre considération. Pour eux, le garçon, c’est ça l’enfant.
Toute fois, les enfants de sexe masculin ne sont pas seulement voulus par leurs pères ; même les femmes occidentales et héritières du féminisme, sont aussi si fières de donner naissance à un garçon. Psychiquement, les gens sont plutôt rétrogrades et peinent à se détacher des représentations ancêstrales.
Mais pour quelles raisons les mères préférent-elles plus leur fils ? Pas d'effet miroir ni de rivalité. Avec cet homme qu'elles ont porté, ce sera une fusion à vie. Une relation pas toujours assumée et une préférence encore taboue. Il est l'homme de sa vie, celui qui l'aimera jusqu'à la fin de ses jours, sans jamais lui faire de reproches. Elle est en adoration devant lui, fût-il un assassin. La relation mère-fils est une relation puissante, unique, proche d'un amour inconditionnel.
Aucune mère n'admettra qu'elle préfère son fils à sa fille. Toutes, pourtant, reconnaissent qu'elles entretiennent avec lui une relation différente, moins complice mais plus fusionnelle, où la séduction tient une grande place. Cela commence bien avant la naissance et dure toute la vie.
Autrement dit, les femmes se comporteraient elles aussi, inconsciemment, de manière misogyne. Peut-être même qu'avec leurs fils elles tiendraient l'occasion de prendre leur revanche sur le destin, d'accomplir ce qu'elles-mêmes n'ont pu réaliser en tant que femmes, comme : pratiquer un sport violent, entreprendre de longues études, ou encore multiplier les rencontres amoureuses…C’est ce que nous appellerons « une revanche sur le destin ».
Toutes les mères entretiennent une relation très fusionnelle avec leur bébé, avec des caresses, des baisers, des mots tendres...et ce qu'il s'agisse d'une fille ou d'un garçon. Les éthologues constatent cependant que leur comportement n'est pas rigoureusement identique dans les deux cas. Les mères allaitent plus longtemps les fils, elles les tiennent plus serrés contre leur corps, leur parlent moins mais les caressent davantage. Elles s'adaptent aussi plutôt facilement à leur rythme biologique, les nourrissent plus volontiers "à la demande", et à l'inverse, tendent à soumettre leurs filles à leur propre rythme…
Mais qu'ont-ils donc de plus, ces petits garçons, pour que leurs mères se mettent à leur service dès la naissance ? La réponse est d'une évidence criante : un pénis, qui, selon Freud, manquerait cruellement aux femmes et devant lequel, il faut l'avouer, elles seraient assez émerveillées. Dire qu'elles ont porté, neuf mois durant, un sexe d'homme dans leur ventre !« Le petit garçon est un enfant mâle qui naît de la chair d'une femme, explique Christiane Olivier[1]: il réalise le mariage parfait des deux sexes et complète, inconsciemment, sa mère. D'où le caractère unique et exceptionnel du lien qui les unit. » La séduction intervient peu après.
Les garçons, selon leur mère, seraient beaucoup plus affectueux que leurs sœurs. Ce qui les émeut et les trouble à la fois. Les garçons prennent parfois le visage de leurs mères dans les mains, caressent leurs cheveux comme le ferait un homme. C'est quelque chose de très fort, que les filles ne font pas malgré la grande complicité affective avec leurs mamans. A la puberté, cette relation très tendre commence cependant à mettre les mamans mal à l'aise. Leur petit homme les dépasse d'une tête, et quand il leur prend la main ou les serre dans ses bras, l'ombre de l'inceste leur traverse l'esprit.
Un garçon ne se contente pas d'être différent physiquement. Il l'est également par son caractère, ce qui déstabilise parfois sa mère. Elle n'apprécie pas toujours ses jeux, qu'elle juge violents ou primitifs, ne comprend pas ses colères et son peu de motivation scolaire, est fatiguée par son agitation. Bref, elle ne se retrouve pas en lui. Ce qui ne l'empêche pas de l'aimer, bien au contraire. Malgré ces différences, grâce à elles peut-être, les mères acceptent les fils tels qu'ils sont, avec leurs défauts, au point de se montrer souvent plus tolérantes avec eux qu'avec leurs sœurs.
Sachant déjà que les hommes sont pas égaux de par leurs sexes, nous allons voir la conséquence qui découle de cette inégalité : qu’est-ce qui arrive au sexe faible ? Les exactions corporelles. Ce sera l'essentiel du prochain article (à suivre)
[1] Christiane Olivier: « Enfants de Jocaste : l'empreinte de la mère », Paris, Denoël, 2003, 84
Dr Désiré-Salomon MWENDANGA MUSENGO, Anthropologue (CIBAF)