Friday, July 11, 2008

Interrogations sur la fiabilité de l’IAD

L’Insémination Artificielle avec Donneur de sperme, en abrégé I.A.D. est une méthode de procréation médicalement assistée (PMA),une question très étudiée en Bioéthique. Nous voulons évoquer ici la complexité des questions proprement médicales pouvant assurer sa fiabilité. Il se posent donc des questions relatives : à la collecte du sperme, aux critères de qualité sanitaire du sperme , à l’appariement minimal, etc.

Avant tout, posons-nous une question : le sperme est-il un don gratuit ou non?

Parler de la personne, notamment en médecine, nous amène tout naturellement à nous interroger aussi sur le corps et ses parties. Qu’est-ce que le corps humain ? Qu’est-ce qui le différencie d’une chose (outil, marchandise), d’un animal, d’un cadavre ?
Parmi la diversité des conceptions du corps humain, la culture occidentale est marquée globalement par une double tradition, la tradition gréco-latine, notamment platonicienne, pour qui le corps est comme séparé de la personne, et la tradition juive pour qui le corps désigne un point de vue sur la personne. D’un côté, le corps objectif , de l’autre, le corps subjectif ou symbolique ; d’un côté l’ordre de l’avoir : j’ai un corps, de l’autre, l’ordre de l’être : je suis un corps ; d’un côté, une vision dualiste de l’être humain : mon corps et moi, de l’autre, une conception unitaire : moi. Cette ambiguïté du corps est souvent source de confusion et de malaise.

Pour Platon, le corps est comme un tombeau, entendons par là le tombeau de l’âme ; l’âme y vit comme dans une prison. La philosophie de Platon fait du corps quelque chose d’autre que l’homme, un corps étranger. Le modèle platonicien du corps culmine chez le philosophe René Descartes qui le considère comme «une machine composée de pièces formant ensemble un mécanisme complexe, certes, mais analysable en parties distinctes. » (Jean-François MALHERBE, Pour une éthique de la médecine, Paris, Larousse, 1987, p.52).

La médecine moderne n’a pas de souci de l’homme, mais du corps malade ; elle traite « la machine humaine », mais pas « l’homme » dans sa singularité. On dit le corps humain, mais ce sont ses parties (organes, tissus, sang, gènes, etc.) qui risquent alors, toutes et chacune, d’être considérées comme des purs matériaux.

Par contre, la culture hébraïque avait une conception très unitive de la personne humaine : le corps c’est l’être humain comme totalité dynamique et indivise. Ainsi, selon eux, le corps n’est donc pas un objet ; c’est l’homme lui-même.

La réflexion sur la solidarité, liée à la réflexion sur d’autres concepts comme le sens et le symbolisme du corps humain, a amené bien de gens à découvrir et signaler le risque de ramener tous les rapports humains à des rapports économiques. On a développé en ce sens l’idée ou le principe de la non-commercialisation du corps humain et celui de la gratuité nécessaire de certains échanges.

Ainsi, dans le champs du prélèvement et de la transplantation d’organes et de tissus, on a facilement élaboré la règle de la gratuité du don. Un organe humain n’a pas de prix. Son sens symbolique l’exclut du champ de l’évaluation économique, de l’échange marchand. En faire un objet de commerce pourrait d’ailleurs conduire à une exploitation éhontée de pauvres qui voudraient, par exemple, vendre un rein pour avoir l’argent nécessaire à leur subsistance. L’appel à la solidarité humaine s’avérerait ainsi une base beaucoup plus éthique pour cette question. Dans le champ de la recherche et de l’expérimentation sur l’être humain, la même règle de la gratuité a vu le jour. On se prête à une expérimentation par solidarité.

Pour le cas précis de l’IAD, quelle considération peut-on avoir du sperme et, d’une manière plus large, des cellules germinales humaines : choses, choses abandonnées, biens commercialisables, parties inaliénables du corps humain qui est hors commerce…? Les banques de sperme et les centres d’insémination devraient répondre à ces genres d’interrogations.

Quels sont les critères arrêtés par les banques de sperme et les centres d’insémination lors de la collecte du sperme : quel âge recommande-t-on au donneur? Faut-il qu’il soit jeune (18-30), adulte (31-60), ou vieux (61- ?) ? Pourquoi doit-on avoir une préférence d’âge ? Au moment de la collecte, veille-t-on à analyser le sperme pour se rassurer qu’il y a absence de maladie infectieuse transmissible ? Comme le donneur de sperme doit être anonyme, n’y a-t-il pas risques génétiques ? Ou encore y a-t-il le souci de ne pas mélanger les races, au sens où l’on éviterait qu’une femme au sein d’un couple européen ou asiatique ne reçoive le sperme d’un donneur africain, par exemple ou inversement?

Est-il possible ou non de faire intervenir d’autres critères de sélection des donneurs de spermes et de sélection du sperme, scientifiquement plus ou moins fondés ou non : comme, par exemple le groupe sanguin, la couleur des yeux et des cheveux, la taille, le poids, l’appartenance ou réussite sociale, profession, les traits de personnalité, et ou que le donneur ait déjà une expérience parentale et vive en couple. etc. ? Quelles demandes peuvent être acceptées : exclusivement les couples d’homosexuels… ?

Ces questions concernent les banques de sperme et les centres d’insémination qui peuvent être régulés par la loi et soumis à l’agrément officiel ou, au contraire, laissés à l’entreprise privée dans le cadre du marché et du droit contractuel.

Ces interrogations sur la fiabilité de l’ Insémination Artificielle avec Donneur de sperme sont tellement pertinentes qu’il se poserait, en Afrique, un problème d’adhésion générale à cette forme de palliation de certaines stérilités (notons, dès le départ, que des alternatives sont envisageables, telle l’adoption ; et en plus, l’IAD ne soigne pas la stérilité). Si scientifiquement les critères requis lors de la collecte ne garantissent pas la fiabilité de cette pratique, qu’en est-il du statut de l’enfant qui en est le fruit? Ceci constituera notre prochaine analyse.


Dr. Désiré-Salomon MWENDANGA MUSENGO, PhD
Anthropologue (CIBAF)