Wednesday, March 12, 2008

Ce que je dois connaître avant d’accepter de faire partie d’une recherche sur les êtres humains

Par Bavon Mupenda
Centre Interdisciplinaire de Bioéthique pour l’Afrique Francophone, Kinshasa, RDC

(Ce message avait d'abord été publié dans le Blog Bioéthique Globale en 2007)

« Je suis un homme ou une femme, un garçon ou une fille. Je n’ai demandé à personne de venir me recruter pour participer à une étude dans le cadre d’une recherche sur les êtres humains. » Cette courte phrase, apparemment provocante, est le point central de la réflexion que nous donnons dans les lignes de ce message.

L’histoire nous apprend que beaucoup d’études ont fait de ce monde un endroit un peu plus vivable qu’avant suite aux résultats qu’elles ont produits. D’autres, en revanche, ont fait des victimes : un volontaire sain, meurt suite à une dose forte d’un médicament sous essai ; une personne acquiert un handicap qu’elle n’avait pas avant la recherche, une personne acquiert une maladie qu’elle n’avait pas avant la recherche, etc.

Souvent, les chercheurs ne font rien de mauvaise foi. Les aléas de la recherche peuvent les surprendre et causer du tort au participant, avec lequel pourtant, un pacte aura ou non été signe. Cependant, l’histoire nous apprend aussi qu’a certaines périodes, l’homme a cherché à connaître mieux des phénomènes de maladie ou de santé et en a profité pour utiliser l’homme – souvent profitant de sa position sociale – comme cobaye de recherche.

Ceci étant, il est important de vulgariser au plus grand public, y compris aux chercheurs et aux participants prospectifs à la recherche, quelques règles simples et pratiques lors de la participation à une étude de recherche, surtout lorsque c’est un essai clinique.

Avant de prendre la décision, combien important, de participer à une étude et donc d’aider à l’avancement des connaissances et des solutions aux problèmes que la nature et la société nous posent, nous devons avoir en tête le principe suivant : participer a une recherche est une option et non une obligation. C’est un peu comme aller voter ; personne ne vous oblige de voter si vous ne le voulez pas. Cependant, les conséquences du vote sont applicables à tout le monde. De même, personne ne doit être contraint de participer à une recherche même si en fin de compte les résultats qu’elle produirait auraient des conséquences (positives ou négatives) sur tout le monde.

N’entrez pas dans une recherche avant de voir clair dans les matières suivantes :

- On doit vous expliquer jusqu'à votre compréhension, ce qu’est une recherche, ce qu’est la recherche à laquelle vous êtes invité(e) à participer, ses risques et ses avantages, comment vous serez protégé(e) contre ces risques mais aussi comment vous bénéficierez (directement ou indirectement) des avantages que la recherche produira.

- Vous devez être certain(e) qu’on ne vous a pas choisi(e) à dessein de façon biaisée. Par exemple à cause de votre race, âge, état civil, religion, etc. avec des risques de vous discriminer, en moins qu’une justification prouvant qu’on ne pouvait pas choisir autrui ne soit donnée.

- Vous devez avoir consenti de participer à l’étude sans y être contraint(e) ni financièrement, ni politiquement ou de quelque autre manière qui vous oblige à ne pas avoir à faire autrement.

- On doit vous assurer que vous pouvez abandonner la recherche à tout moment dès que vous avez senti venir le danger.

Ce petit message s’adresse d’abord aux hommes, au femmes et enfants de l’Afrique francophone au sud du Sahara, traumatisés par des maladies qui n’existent avec acuité que dans cette partie du monde ; mais aussi de plus en plus accablés par le double poids des maladies incluant par exemples celles dites des riches.

C’est vrai que nous avons besoin des études qui puissent trouver les voies et moyens de mitiger nos maux et, peut-être, d’en éradiquer quelques-uns. Mais nous ne devons pas y aller les yeux bandés.

Retenons une chose importante :

Ceux qui décident de la protection de nos droits, de notre dignité et notre bien-être en tant que participants à la recherche, sont souvent des personnes qui ne partagent pas assez nos conditions. Il y en a qui nous ont fait croire qu’en leur donnant des voix à l’occasion d’un vote, ils deviennent nos représentants fidèles. Tout le monde sait que souvent, ils représentent la force et nous la faiblesse. Ils produisent des lois qui, parfois, nous font plus mal qu’avant que ces lois n’existent. Ils bloquent parfois les procédures pour que nous puissions leur demander de les changer. Certaines personnes s’improvisent, parfois pour nous défendre, et notamment de bonne foi. Elles constituent des groupes de pression mais finalement, pour des raisons diverses, elles peuvent ne pas parvenir à donner une plus grande satisfaction à nos inquiétudes. En fait, chacun de nous devra savoir qu’on n’est mieux protégé que par soi-même. La plus horrible des conséquences de faire confiance en ceux qui disent nous représenter, c’est que, pour ce qui concerne notre participation à la recherche, nous supposions que tout a déjà été fait pour nous protéger. Si nous nous taisons et signons des documents sans les lire, c’est du suicide potentiel. Rien ne nous assure de prime abord que les chercheurs sont de bonne foi ou non.

C’est vrai que nous ne pouvons pas tous lire et écrire. Sinon, je nous recommanderai de lire des documents comme le Code de Nuremberg, la Déclaration d’Helsinki, les Guides du COISM et d’autres documents qui éclairent la lanterne des personnes qui voudraient accepter de participer à une étude de recherche. C’est vrai également que tous, nous n’avons pas accès aux services de l’Internet, même si nous pouvons lire correctement. Sinon je nous recommanderai de consulter (ah ! c’est en anglais !) le site http://www.getresearchsmart.org/ pour de plus amples informations sur nos droits en tant que participants à la recherche.

Dans tous les cas, voici quelques questions que nous devrons nous poser avant d’accepter de faire partie d’une recherche qui nous utilise comme participants :

- Qu’est-ce qui me motive réellement à participer à cette étude ?
- Quels sont les risques réels et les avantages réels qui m’attendent si je dois participer à cette étude ?
- Si je compare ma motivation avec la demande qu’on me fait de participer, y’a-t-il correspondance ? S’il n’y a pas de correspondance, ne me faut-il pas regarder par deux fois ma décision de participer ? Mieux ne vaut-il pas refuser de participer si cela ne m’aide en rien ? Mais si je vois que le risque à prendre vaut la peine pour l’une ou l’autre raison, alors je peux décider de prendre ce risque.
- Que dois-je faire pour comprendre ce que je ne comprends pas ? La réponse est simple :
DEMANDER (VOIR L’ACCRONYME CI-DESSOUS)

Douter de tout ; ne pas supposer que les chercheurs sont sans doute bons ou mauvais

Ecouter sa conscience et parler à haute voix pour qu’on soit écouté
Maintenant qu’on connaît, prendre la décision
Avant cela, s’assurer que la recherche a été autorisée par un comité d’éthique
Ne pas autoriser que ma vie privée et secrète soit mise en danger
Devoir recevoir soin ou compensation pour blessure ou de problème dus à la recherche,
Encore demander et encore demander jusqu'à comprendre
Rester en alerte pour que rien de mauvais ne vous arrive pendant la participation

Le Centre Interdisciplinaire de bioéthique pour l’Afrique Francophone est établi à Kinshasa, en République Démocratique du Congo. Il est disposé à donner, tant que faire se peut, des réponses à d’autres questions que vous aimeriez poser au sujet de votre participation à une recherche. Vous pouvez écrire à l’un des membres du Centre aux adresses électroniques suivantes :

Bavon Mupenda bavonmupenda2@yahoo.com
Mathilde Ekila ekila_bothale@yahoo.fr
Félicien Munday felicienmun@yahoo.fr

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